Dominique Albertelli, entre rouge et noir – naître à Barcelone et mourir à Paris, disait Ferré en d’autres temps. Ses personnages de toile, cheveux au vent, contemplent ceux qui les voient par une mise en abyme, retrouvée dans les différents plans de la toile, sa construction. Les poids des robes des femmes sont les éléments de mesure d’un mouvement, d’une inspiration. Le rond, c’est le cycle, infini, la part d’éternel retour que le peintre, dans l’atelier, exprime par la respiration. L’envie de dire le monde, le souffle, la vie.
Le rapport à l’œuvre, celle en train de se faire, les toiles que l’on frotte au fusain avant d’y esquisser une silhouette, évanescente. Le rouge, c’est le désir, le refus du moyen-terme et de l’immobilité : les personnages de Dominique Albertelli sont en trajectoire, en expression. Doublés, souvent, pour recréer l’anamorphose, le poids à l’infini. Ses filles s’observent, se répondent, sont réflectives. Un infini rouge sang, sans violence, avec l’indifférentisme de ceux qui savent que le temps est donné, puis repris. Les horloges ne sont là que pour égrener cet impératif, catégorique : il faut vivre, aimer, s’accommoder des routes longues et chaotiques. En quadriller les toiles : en arrière-plan, axe syntagmatique, deux hommes costumés avancent ; en premier, paradigmatique, la femme à la robe rouge ne tient pas en laisse un loup qui ne se laisserait pas faire. Ordonnés, abscisse.
Quelque chose, rouge, qui garde en éveil. Maintient l’intranquillité, la détermine comme objet de recherche. Les filles de Albertelli sont les Causeuses modernes, allient mystère et chuchotements, ce qu’il faut de liberté à une femme pour qu’on ne s’intéresse qu’à ce qu’elle est. Et la chevelure se fait allégorie – je m’enivre ardemment des ardeurs confondues. Au-delà des mots, dans l’attente. Rapport au temps, à la mémoire, matrices du travail artistique. Les ronds rouges sont les sirventes des trouvères, à l’air léger, plus solennels qu’ils n’y paraissent. D’une couleur proche de l’extrémité du spectre visible, dénote-t-on. A,B&C mêlés, oxygène et hydrogène : le pneuma, nous-a-t-elle prévenus. Andrinople, cinabre, corallin, érubescent, garance, incarnadin. A-temporalité des mots et des histoires. Le rouge bord, l’âne rouge, le collet rouge et la timide Aricie. Les figures d’Albertelli exploitent le fond pour que le lien se fasse. Avec le cours de nos vies, les concessions que l’on a faites. Dans l’analepse, la désincarnation. Le rouge de nos existences, rubeus à feu et à sang.